Alors que les cloches de l’église de Pauillac viennent de sonner à cinq reprises, Christophe Huguet est en train de décharger la pêche de l’après-midi de son petit fileyeur Youpi sur le ponton du port de plaisance Lafayette. Un rituel que le pêcheur professionnel de 53 ans répète tous les jours depuis qu’il a l’âge de 18 ans.
Ce jour-là, à défaut d’avoir attrapé des lamproies, il a pêché deux silures, dont un énorme qui pèse plus de trente kilogrammes. À côté, dans un autre bac, se trouvent plusieurs centaines de crevettes blanches qui sont encore bien vigoureuses. Le matin, il en avait déjà pêché plusieurs kilos.
La pêche à la crevette, Christophe Huguet en a fait sa spécialité. Elle représente 60 % de son activité. Il les pêche toute l’année à l’aide de nasses appâtées, aussi appelées « bourgnes ». Les décapodes viennent se piéger à l’intérieur de ce filet en forme d’entonnoir. Le pêcheur médocain en compte 300 (limite autorisée), qui sont éparpillées, par groupe de 25 attachées à une corde, le long de la côte pauillacaise. Chaque jour, il passe entre 5 heures et 7 heures sur son petit bateau pour pêcher les crevettes et remettre les appâts dans les nasses.
Les dégâts causés par les silures
Son autre spécialité est l’anguille, dont la pêche est réglementée depuis quelques années avec notamment une date d’ouverture du 1er mai au 30 septembre. « Avant, on la pêchait toute l’année, confie le Pauillacais. Maintenant, on a le droit de la pêcher quand il y en a le moins. » S’il comprend les restrictions qui permettent de protéger les populations de poissons et favorisent une pêche raisonnée, il a du mal à comprendre que la pêche à l’anguille soit possible deux mois de plus dans le bassin d’Arcachon.
Dans la « rivière », où il pose un filet dérivant de 480 mètres à l’étale de marée (moment où la marée change), il pêche aussi la lamproie, le maigre, la gatte (alose feinte) ou encore le mulet « que l’on pêche de moins en moins ». « L’été, quand ils arrivent de l’estuaire, on attrape des mulets. Par contre, l’hiver, quand ils remontent la Gironde, il n’y en a plus car ils ont été mangés par les silures qui font d’énormes dégâts, notamment sur les alevinages », explique le pêcheur expérimenté, qui a vu la pêche changer au fil des années dans La Gironde « en raison de multiples facteurs, dont certainement le réchauffement climatique ». L’action de la drague, qui aspire les sédiments déposés au fond de l’estuaire et les rejette sur les berges, est aussi pointée du doigt
Auteur : Mathieu Caurraze