Les dons se font sur le Web, au 3637 et par courrier.
«Ça va ? »« Non, ça ne va pas. » Au téléphone, Christian Capdeville sait que le Téléthon des 4 et 5 décembre va se dérouler de manière particulière en raison de la bulle sanitaire autour du Covid-19. En dehors du marathon médiatique sur France Télévisions, qui reste le centre névralgique, une fois par an, de l’appel aux dons via le 3637, cette édition 2020 devra faire sans les manifestations habituellement organisées dans les régions, les villes et villages de France. « On va se contenter du virtuel », résume le Médocain Christian Capdeville, coordinateur du secteur ouest de la Gironde pour cet événement caritatif organisé depuis 1987 par l’Association française contre les myopathies (AFM), destiné à financer des projets de recherche sur les maladies génétiques. À vrai dire, outre le secteur ouest du département (de Soulac-sur-mer au bassin d’Arcachon, Captieux, Bordeaux et la métropole), Christian Capdeville assume aussi cette année la responsabilité du secteur Est (Libournais, rive droite de l’estuaire).
Les relais locaux, appelés « collecteurs », après avoir signé le contrat d’engagement avec l’AFM-Téléthon, disposent d’un mot de passe permettant de créer une page de collecte de dons*. Habituellement, Christian Capdeville totalise 150 contrats signés dans son secteur ouest. « 90 vont faire quelque chose. Il nous reste quinze jours », expliquait le Lamarquais lundi 23 novembre. En Médoc, une quarantaine de ces contrats sont habituellement signés.
Un combat personnel et collectif
La vie tout entière de Christian Capdeville est traversée par cette lutte contre la maladie, cette envie de déjouer les pronostics médicaux. À la naissance de sa fille Élodie, en 1980, elle est en détresse respiratoire. On dit à ses parents qu’elle ne vivra pas une semaine. Elle souffre d’une myopathie de Steinert. Il s’agit d’une affection génétique et héréditaire qui se transmet et s’aggrave de génération en génération, une maladie neuromusculaire entraînant un affaiblissement musculaire progressif ainsi que des dérèglements d’autres organes (appareil cardio-respiratoire, système digestif, yeux, système hormonal, système nerveux…). À 41 ans, Élodie Capdeville vit aujourd’hui à Bègles et travaille à mi-temps aux Ateliers d’Ornon. Il a fallu toute la détermination de son père pour qu’elle intègre l’établissement et services d’aide par le travail (ESAT), à Villenave d’Ornon.
C’est aussi un ESAT qu’avait pu rejoindre son frère, Sylvain, de quatre ans son aîné, après avoir quitté l’institut médico-éducatif (IME) d’Eysines. Lui aussi était porteur de cette maladie décelée à l’âge de 8 ans. Sylvain Capdeville est décédé le 7 octobre dernier, à l’âge de 45 ans, « le lendemain de son anniversaire », explique Christian Capdeville dont l’épouse, Denise, s’est éteinte en 2016 à l’âge de 63 ans de cette maladie qui la rongeait petit à petit depuis plus de vingt ans. Le décès de son fils a été une douleur incommensurable, « mais on se bat quand même pour le Téléthon », assure Christian Capdeville. Alors, il continue à jouer son rôle pour mobiliser les bénévoles, aidé en Médoc par trois « animateurs de secteurs (Jean Adéma, Micheline Leclerc et Stéphanie Belliard) », qui se répartissent le territoire pour être les référents des comités des fêtes, associations, clubs sportifs, commerçants, etc. organisateurs de ces petits événements, ces ruisseaux sans lesquels rien n’est possible.
Le Médoc,
toujours bien mobilisé
La coordination Gironde du Téléthon, basée à Mérignac, est un groupe de vingt-huit bénévoles. Parmi elles, des « équipiers » comme le Hourtinais Jean Adéma, 70 ans, ancien responsable des agences du Crédit Agricole à Lesparre-Médoc, Saint-Vivien-de-Médoc et Soulac-sur-mer. Il est le beau-frère de Christian Capdeville. Sylvain était son neveu. Alors, forcément, il y a chez lui aussi la force de déplacer des montagnes pour faire en sorte que la mobilisation soit bonne en Médoc. Le Médoc, où, explique-t-il, les recettes par habitant, « ramenées à la Gironde », sont les meilleures du département. L’an dernier, les manifestations organisées dans les communes d’Hourtin et de Vendays-Montalivet avaient ainsi permis de rapporter à l’AFM deux chèques de respectivement 12 000 et 14 000 euros. Cet élan ne se dément pas cette année encore, en dépit des circonstances nationales. « Il y a une mobilisation quasi-totale des communes du Médoc, constate Jean Adéma. Les contrats d’adhésion à manifestation pour l’AFM de l’an dernier ont été pour la plupart reconduits. » La plupart aussi ont ouvert une page de collecte de dons.
Il faut aussi faire preuve d’imagination pour pallier les contraintes sanitaires du moment. Le SAM Omnisports de Lesparre-Médoc a ainsi prévu « une promenade virtuelle dans la ville », explique Jean Adéma. Sylvie et Philippe Lebatard, ainsi que leur fils Sylvain, renouvellent leur opération dans les magasins Spar de Hourtin, Saint-Vivien-de-Médoc et Grayan-et-l’Hôpital ainsi que les Fournils Girondins de Gaillan-en-Médoc et Vendays-Montalivet : les 4, 5 et 6 décembre, pour chaque pièce de pain ou de viennoiserie achetée, le client est invité à donner 10 centimes d’euro en plus du prix initial et la famille Lebatard ajoute elle aussi 10 centimes d’euro au profit du Téléthon. Soit vingt centimes d’euro dont bénéficie l’AFM. L’an dernier, un chèque de 1 800 euros a ainsi pu être remis. À Ordonnac, dans le secteur animé par Micheline Leclerc, elle aussi hourtinaise, le conseil municipal des jeunes proposera le 5 décembre à partir de 15 heures une course de relais dans la limite d’un kilomètre autour de chez soi, afin de réaliser une « quête en mouvement ». À Saint-Laurent-Médoc, à chaque passage en caisse du magasin Super U, il sera proposé aux clients de reverser un euro au Téléthon.
« Il faut cette année limiter la casse »
À Hourtin, le club de gymnastique compte fédérer les adhérents des sections sportives de la commune. Comment ? En lui adressant par mail des photos de leurs animations, avec le projet de constituer une mosaïque d’images et de déposer, physiquement cette fois-ci, un minimum de cinq euros au bénéfice du Téléthon dans la boîte aux lettres de la trésorière du club. « C’est aussi une manière de contrer le tout numérique qui est problématique pour une partie de la population, notamment les personnes âgées, qui font partie des donateurs du Téléthon », explique Stéphanie Belliard, animatrice pour le Téléthon en Nord-Médoc, cofondatrice de l’association Médoc enfance handicap et maman d’un fils de 17 ans, atteint d’une myopathie « très particulière » qui fait que l’adolescent « décline beaucoup plus lentement » que d’autres.
Elle ressent douloureusement les entraves subies cette année par le rendez-vous phare de l’année qu’est le Téléthon. Cette année, il ne sera ni « festif » ni « physique ». « On ne peut pas s’occuper de personnes fragiles et faire fi des contraintes sanitaires », admet Stéphanie Belliard. Reste que les manifestations – défis sportifs, créatifs, musique, confections de pâtisseries, etc. – représentent « 40 % de la collecte ». « Ce qui veut dire que l’on commence le Téléthon avec 30 millions d’euros en moins. Comment voulez-vous qu’on arrive à rattraper ça ? Le but du jeu est d’essayer de compenser en augmentant la collecte des 4 et 5 décembre. Mais on est sûr de ne pas faire un chiffre équivalent à celui de l’an dernier [87 millions d’euros, N.D.L.R.]. » Or, ajoute Stéphanie Belliard, trente-cinq essais cliniques sont en cours portant sur vingt-huit maladies rares. « Un essai ne peut pas s’arrêter en cours de route. » Et les conditions dans lesquelles se déroule le Téléthon 2020 auront des conséquences sur la capacité de l’AFM à financer des recherches sur d’autres maladies. Créé en 1990 par l’AFM, le Généthon est là pour développer des thérapies pour les maladies rares neuromusculaires, du système immunitaire, du sang, du foie et de la vision.
Ne pas briser l’espoir
« On reste mobilisés, témoigne Stéphanie Belliard. Il faut cette année limiter la casse pour que les années à venir ne soient pas hypothéquées par l’effondrement de cette année. Le Téléthon, c’est ce qui nous porte. C’est la chose qui nous donne espoir. » Certes, « on ne guérira pas toutes les maladies ». Mais c’est un espoir pour que « d’autres familles ne vivent pas ça ». Car celles qui accompagnent un proche atteint d’une myopathie connaissent, chaque jour de chaque année, « les contraintes, les incapacités, les souffrances ». Une vie à rester aux aguets, entre coups de blues et espérance.